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ÉDUQUER À LA CONFIANCE EN SOI

Par Éléonore CECILLON


Le centre pour l'Entrepreneuriat du MIT

Les 12 étudiants de la Learning Expedition 2018-19 ont rencontré à Boston plus de 30 personnes du secteur de la Deep Tech : chercheurs au M.I.T., étudiants à Harvard, investisseurs, startuppers juniors, entrepreneurs seniors etc.


À Boston ils l'ont bien compris : la confiance en soi est une clé du succès scolaire et professionnel. Mais comment font les bostoniens pour stimuler -et mesurer- le développement de la confiance de les étudiants ?


“I think about creating confidence as a muscle, everytime you gain confidence, you’re stronger.”

Lorsque nous avons rencontré l’Allemand Philipp Schmidt, spécialiste de l’innovation pédagogique au MIT MediaLab, il nous a tout de suite parlé de la mentalité très américaine de la réussite. Pour lui, la capacité particulière d’initiative et d'entrepreneuriat que l’on retrouve aux Etats-Unis repose en grande partie sur leur conception spécifique de l’éducation.



L'importance d'être confronté à l'échec


Pendant leurs études, les jeunes Américains sont confrontés à l’échec, étape qui joue un rôle fondateur dans le processus d’innovation. P. Schmidt nous a raconté avoir été surpris par les résultats d’une étude conduite sur des étudiants du MIT. Il s’agissait de comparer leur niveau de confiance en eux avant, pendant et après leur passage dans le supérieur. Les résultats sont sans appel : le taux de confiance de ces jeunes étudiants chute drastiquement à l’entrée à l’université puis augmente progressivement, sans jamais retrouver son niveau initial. La conclusion est la suivante : ces jeunes brillants n’ayant jamais été confrontés à l’échec ont confiance en eux mais l’entrée dans cette université d’excellence les challenge fortement. Ensuite, grâce à l’accompagnement des professeurs, le niveau remonte. C’est cette progression qui a attiré notre attention : la capacité d’un système éducatif à accompagner les étudiants dans leurs doutes et hésitations.


Alors qu’en France on déplore souvent le manque d’encouragement et d’accompagnement dans les études supérieures, qui donne lieu au décrochage et aux erreurs d’orientation, les Américains semblent avoir trouvé une forme de solution : passer l’échec pour atteindre la réussite. Il n’est pas rare pour les étudiants de changer de voie, de partir une année à l’étranger ou encore travailler pour revenir ensuite reprendre leur cursus universitaire.


Cette conception ouverte et libératrice permet alors de concevoir l’infinité des possibles. Ce paradigme américain “essai → echec → nouvelle tentative → réussite” se retrouve d’ailleurs dans le domaine de la recherche : aux Etats-Unis, on estime que toutes les grandes interrogations scientifiques peuvent être résolues au fil d’un questionnement perpétuel des chercheurs, et de l’acceptation de revers.


L'imbrication de la réussite et de l'échec semble essentielle dans l'écosystème de l'innovation de Boston

L’imbrication de la réussite et de l’échec semble essentielle dans l’écosystème de l’innovation de Boston. Cette vision est également partagée par Bill Aulet, directeur du Martin Trust Center for MIT Entrepreneurship. Pour lui, “failure is a process”. En tant qu’enseignant, l’important pour lui est de transmettre une passion et une volonté d’entreprendre. Dans ce cadre il est essentiel d’essayer, d’échouer, de rebondir pour enfin réussir. L’échec ne peut être que bénéfique puisqu’il permet de repartir de l’avant, de grandir rapidement et de parfaire son idée (ou en changer). C’est ainsi que Bill Aulet raconte n’avoir connu le succès qu’après deux tentatives de création d’entreprises infructueuses…



L'apprentissage expérimental et collectif


Au MIT et à Harvard, nous avons été marqués de voir à quel point les étudiants sont proches de leurs encadrants. Les professeurs se rendent disponibles pour des “office hours” personnalisées tout au long de la semaine, les locaux sont ouverts 24 heures sur 24 et les relations sont plus que cordiales. Ces structures contribuent au “confidence gain” américain.


Les enseignants savent se mettre à disposition du projet de l’étudiant. d’ailleurs Bill Aulet lui-même affirme qu’aucun cours ne pourrait permettre aux jeunes d’entreprendre parfaitement : c’est l’expérience qui “enseigne” véritablement.


Le renforcement de cet état d’esprit passe également par le “collective learning” et les dynamiques humaines. L’important est d’être ensemble et d’avoir une équipe soudée, motivée et surtout complémentaire : nulle innovation ne peut se réaliser seul. Des rencontres d’émulation sont régulièrement prévues entre jeunes entrepreneurs, créateurs accomplis, ingénieurs, architectes, designers, profils littéraires… Cette propension à organiser des rencontres devrait aboutir à la création de communautés et d’équipes de travail efficaces : au fond, de connexions et d’une confiance collective.


Le Centre pour l’Entrepreneuriat du MIT distingue alors trois catégories de profil indissociables résumées avec les “3 H” : le Hacker, capable de construire des prototypes, le Hipster, chargé du design et le Hustler, expérimenté en législation et autres aspects techniques.


“Entrepreneurship is not a science, it’s a craft. There’s no sure answer.” Bill Aulet

La force de la vulnérabilité


Tous ces éléments de rencontres et de partage ont l’ambition de créer des “anti-fragile human beings”. Brené Brown, chercheuse à l’Université de Houston, parle quant à elle du “pouvoir de la vulnérabilité” (voir son TED Talk sur le sujet). Pour réussir, il faut également avoir le courage d’être soi-même et authentique et accepter sa vulnérabilité. L’imperfection ne doit en aucun cas être un frein au succès et chacun devrait pouvoir dire : “I am enough”.


Cependant, d’un point de vue français, la mentalité spécifique de cet écosystème, encourageant le développement personnel et la motivation illimitée, peut-elle s’appliquer à l’éducation dans son ensemble aux Etats-Unis ? Il est vrai que les américains qui sortent de l’université ont une meilleure insertion professionnelle qu’en France, mais les conclusions données par le microcosme de Cambridge ne peuvent être généralisables. La situation demeure très inégalitaire aux Etats-Unis. Le “muscle de la confiance” vanté par les chercheurs du MIT ne peut pas encore être travaillé par tout le monde.

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